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Photos d'expositions
Montluçon (Nationale d'élevage) 16 mars 2013
Lyon 6 juin 2010
Montluçon (Nationale d'élevage) 20 mars 2010
Montluçon (Nationale d'élevage) 14 mars 2009
Montluçon (Nationale d'élevage) 24 juin 2007
Fribourg 11 février 2007
Lausanne 15 octobre 2006
Grenoble 1er octobre 2006
Bulle 2 juillet 2006
Lausanne 22 octobre 2005
Montluçon (Nationale d'élevage) 19 mars 2005
Voici un extrait du livre "Mes chiens" de André Tamineau, datant de 1955 : 1/2 siècle plus tard, le monde des expositions n'a pas changé ! |
Mars, mois de l'
"ouverture" pour l'éleveur. Depuis le dernier été on a sélectionné les
jeunes qui doivent affronter les feux du ring et soutenir les couleurs du chenil. Durant
les mois d'hiver, toujours durs aux bêtes, les concurrents ont été l'objet de soins de
chaque jour, d'attentions de chaque heure.
La "Revue Canine" a donné le calendrier des expositions. On a coché d'une
croix les villes possibles, certaines proches, d'autres lointaines, mais alléchantes par
leur I.B. Cinq, six, sept sont retenues, il y aura un peu de déchet sans doute;
qu'importe, voici demain le départ pour la première compétition. Mars,
"ouverture" de l'amateur canin, ouverture de la chasse... aux cartons -
tricolores, s'il se peut.
En cette veillée, on fourbit les armes, en
l'espèce, colliers, laisses, couples, brosses. Deux cents kilomètres à la carte, on
mettra le réveil sur quatre heures : "Commencement des jugements à neuf heures,
aucun chien ne pourra quitter l'exposition avant 18 heures"... On connaît la
formule. Le règlement ne se doute pas de la journée qu'il impose aux concurrents, hommes
et bêtes.
La voiture sort avec le jour, les deux
familiers qui vivent à la maison ont déjà sauté sur la banquette arrière. Au chenil,
ce réveil matinal inhabituel surprend les chiens qui bâillent plaintivement en sortant
des caisses chaudes. Des bonjours à la cantonade et, à moitié engourdi (l'âme du chien
est longue à reprendre le corps), on va lever une patte paresseuse contre la barrière,
précaution appréciée du maître soucieux de ses coussins.
En route. Peu de temps et c'est l'arrêt
obligatoire. On s'y attendait, cette chienne qui n'a jamais pu supporter la voiture a
remis au grand jour - et sur le plaid écossais - son dîner de la veille. Secouons ce
mauvais souvenir sur la berme et roulons. Des chiens s'ébrouent, pleurnichent, mettent
les pattes à la vitre, d'autres dorment en rond. Autre arrêt en face d'un chemin creux
et la portière ouverte lâche son paquet de chiens sur le pré. Dix minutes d'ébat, on
repart, deux heures de route encore. C'est à cet instant précis que, rêveur au volant,
on tâchera de fixer la physionomie du juge annoncé : Ah oui, c'est lui ! Pourvu que le
comité l'ait bien fait dîner hier soir, n'est ce pas. Pourvu que l'hôtelier lui ait
réservé sa belle chambre, pourvu qu'à ce moment même son chocolat soit onctueux, ses
croissants croustillants. Que les dieux nous le livrent frais, reposé, souriant,
bienveillant !
Nous y sommes. Et commencent les petites
réjouissances. Garage délicat dans les abords encombrés. Collier à tous. Une bête
s'échappe, on s'empêtre dans les laisses, tous les chiens qui débarquent viennent bien
entendu flairer les museaux, moyen infaillible de déléguer sans procuration la bonne
petite maladie. L'entrée étroite est engorgée par le goulot du service vétérinaire,
cette formalité toute administrative. Voilà vos six bassets emmêlés dans d'autres
laisses, le Boxer hargneux saute à la gorge du Berger. Les chiens s'affolent, les hommes
crient, tout est noué. On arrive à désembrouiller le tout et voilà, si l'on peut dire,
un heureux dénouement !
Secrétariat, enveloppes, numéros, brassard
qui vous guide vers un emplacement inconnu de lui comme de vous. Après trois tours
complets de l'enceinte, on découvre les cases. On attache, ouf... soufflons ! Et voilà
que se déroule l'habituelle et hallucinante journée de poussières et de bruit. Cinq
cents gorges, aigres ou graves, aboyant ensemble et qui n'arriveront pas d'ici la fin du
jour à battre à l'usure les six haut-parleurs qui déversent les sonneries de trompe et
les avis qu'on entend pas.
Les prévoyants de l'avenir ont leur pliant. La
matinée passe généralement sans dégâts majeurs, sauf que vers onze heures trente on
vous annonce que les jugements, ne pouvant être terminés à midi, reprendront à
quatorze heures trente. Pas de drame, à cela aussi on s'attendait. Prudence, garder son
calme, ne pas sortir, occuper le terrain conquis, camper sur place. Le buffet suffira aux
crocs des chiens et des maîtres. Détente, répit.
Quatorze heures trente, animation nouvelle. Le
juge regagne le ring et le ciel, aidé de la chaleur du banquet, nous l'a rendu souriant,
loquace. Le commissaire de ring s'est égaré en ville après le café et il détient la
boite à cartons ! La jolie secrétaire qui n'y connaît rien se demande ce qu'elle est
venue faire dans cette galère. On appelle : mâles bicolores, femelles unicolores, classe
de jeunes. Marches, contre-marches, tours de ring. Un chien dédaigneux - le plus vif à
l'habitude - a décidé de ne pas participer à ces festivités et se couche à vos pieds.
Menaces et caresses le laissent indifférent. Confusion. On voudrait être au diable.
Faites courir, face, profil, biais, arrêtez, mâchoires. Juge perplexe qui hésite,
tourne, s'assied, se lève, dicte. Tout vient à point : voici les récompenses. Enfin le
terme des vicissitudes ? Vous ne voudriez pas.
Maintenant, assis devant vos chiens, il vous
faudra subir la foule des visiteurs profanes et les réflexions saugrenues : "Quelle
race est-ce ? est-il adulte ? Elle est belle cette chienne (c'est un chien). Est-ce que
vous en vendez ? Quel prix ?" On s'amuse. "Oui, celui-ci, deux cent mille"
- "Dis Marie, tu entends ? et le Victor qui en a un tout pareil !"
Soutenir le regard mauvais du concurrent battu
qui, à la dérobée, vous déchire à belles dents. Plaindre ce pauvre juge dont on
entend mettre en doute, en petit clan, la compétence quand ce n'est pas l'impartialité.
Se défendre contre les enfants et leur manie de toucher tous les museaux de la travée,
autre moyen aussi infaillible de passer à toute l'exposition une bonne
"Carré". Car on se souvient de l'an passé où votre voisine vous confiait
(entre nous) que son chien avait 40° de fièvre, ce qui en effet vous permit la bonne
fortune de deux de vos chiens atteints de la maladie huit jours après l'exposition.
On arrive ainsi plutôt mal que bien aux
dix-huit heures fatidiques. Bagages, rangements, laisses, colliers, cohue de la sortie
battant de loin la cohue de l'entrée. La voiture, ah, vite prendre le large, gagner une
zone de silence où les chiens assommés pourront s'ébrouer, les gens retrouver leurs
esprits.
Trois heures de route à nouveau. On rentre
après la tombée du jour. Au chenil, Grand-Mère Chien a préparé une soupe
appétissante que les bêtes rompues de fatigue dédaigneront. On accrochera demain au
panneau les deux C.A.C., il fait nuit.
A la maison, le lit accueillera vos membres courbatus, l'oreiller votre
tête bourdonnante. Votre nuit sera pleine d'abois, de cris, de trompes jusqu'à ce qu'un
réveil tardif vous entende prendre à haute voix, une fois de plus, la résolution
définitive de ne plus vous livrer désormais à ce genre d'expéditions.
Ce qui se traduira le dimanche suivant par un nouveau départ tout aussi semblable vers
une autre journée toute pareille. Puisque... au fond, c'est cela le sport !